3 février 2011

La dérive et la butée

Quand je vois la tête de mon agenda (orange vif à l'extérieur, bien noirci à l'intérieur), mon système de to-do lists et d'auto-organisation de plus en plus rodé, et la première réponse qui me vient à l'esprit quand on me demande comment ça va ("très bien mais j'aimerais bien avoir plus de temps devant moi"), je me dis que décidément, j'ai décliné à ma sauce (pimenté de GTD et d'ambitions artistiques floues) le tic maternel d'avoir toujours des choses à faire, et que je ne sais pas comment on fait pour se laisser vivre. Dans le discours familial, "se laisser vivre" est d'ailleurs connoté très négativement, comme s'il y avait forcément quelque chose de mieux à faire de la vie que de simplement la vivre - pas forcément atteindre le Nirvâna ou une révélation métaphysique (ce qui serait plutôt mon horizon personnel), mais se donner de la peine par principe (persistance d'un idéal chrétien mal digéré?).


Difficile de faire quotidiennement le choix conscient du bonheur en se gardant d'un délire de contrôle et de mainmise. Difficile de se laisser un peu la paix, sans lâcher sur l'ambition existentielle, et le refus de laisser "les autres", la société, ses névroses ou simplement l'inertie décider pour soi et tracer la forme de sa vie.

Dans un très intéressant billet, Steve Pavlina engage le lecteur à s'interroger sur ce à quoi il choisit d'accorder son intention. L'idée est bien de redonner à chacun le libre choix de sa dynamique mentale et de ses plis quotidiens, mais ce faisant Pavlina impose malgré tout ses valeurs et sa conception d'une vie réussie (de l'argent et un corps sportif, à tout le moins).

Il propose à l'internaute un exercice intéressant : dans une liste de choses et sujets, noter ceux qui ne méritent pas son attention, ceux qui méritent une certaine attention, et ceux qui méritent pleinement son attention. Puis lister les choses auxquelles, de fait, il emploie son attention au cours d'une journée, et déterminer si elles en valent la peine ou non.

Cet exercice m'a troublée car je me suis aperçue que sur les 117 thèmes hétéroclites qu'il avait listés, les deux tiers me semblaient dignes d'intérêt, et presque la moitié mériter ma pleine attention. Si l'on considère que je ne me suis pas amusée à lister en sus tous les autres sujets qui me paraissaient mériter mon attention (liste potentiellement infinie), on comprendra aisément que pour peu que l'on soit un minimum curieux du monde, des autres et de soi, prioriser ses centres d'intérêt est un casse-tête.

Quelques extraits :

"Simply do the best you can in each moment, and you can continue to upgrade your choices as you go along. Keep pushing yourself to drop low-value activities, and replace them with higher value ones. "

"If you still insist on using the “I don’t know what to do” excuse, then drop to the floor and do push-ups until you think of something that’s a better use of your time than doing push-ups. I suspect your brain will come up with a few ideas very shortly."

"Very often when you reduce the time wasters by dropping low-value relationships and activities from your life, your understanding about what really matters to you will skyrocket. Time wasters will invariably fog your vision. Get rid of them as quickly as you can, and clarity will return. You will not miss the time wasters, even if you feel you’re addicted to them now."

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