15 novembre 2010

Pile de routines

J'ai mis depuis quelques jours le pied à l'étrier d'une nouvelle habitude quotidienne, tout en conservant celle prise ce mois d'octobre qui illustre si bien mon besoin de retour amont.



Et voilà que je tombe aujourd'hui sur 750words, petit site qui me donne faim de m'adonner au rituel d'une quotidienne écriture de mise en jambe. J'en ai fait l'essai aujourd'hui, et voilà ce que donnent 36 minutes d'écriture automatique de votre servante :

Je voudrais connaître le secret de ceux qui avancent au quotidien sans se trouver serrés au cœur par l'angoisse de voir la vie leur échapper, ou leur avoir déjà échappé. Enfant déjà la perspective de la mort donnait aux joies le l'existence un parfum trouble, qui causait une légère migraine. Maintenant je dois faire l'effort de me remettre au flot du présent, les pieds sur la terre actuelle dans l'élan de sa rotation, pour ne pas laisser cette pensée m'écraser l'âme : j'ai sans doute déjà passé un tiers de ma vie ; et l'habitude de la fiction, du cinéma ou des livres maintient sur ma conscience une brume, l'illusion d'une réversibilité. Comme si je pouvais encore demain être Tarzan ou le Scrameustache. Comme si l'action n'était qu'un petit luxe au vu des possibilités infinies de l'imagination. Il sera toujours temps d'un jour grandir, advenir, et faire ce vers quoi mon cœur s'élance... Je suis à un tiers de ma vie et je me sens si enfant, si désolée de découvrir qu'il faut faire des efforts et apprendre ses leçons, et que l'on n'a pas le droit de mettre ses doigts dans son nez ou les pieds dans la soupière.
Je voudrais ne pas avoir à choisir, être à la fois l'ange poudreux et la sauvageonne, le loup qui aiguise ses dents sur l'agneau, le berger, et la femme du Maharadjah. Je voudrais être une grande artiste sans prendre la peine de finir un dessin ou de m'atteler à un roman nécessaire. Je voudrais chanter sur scène des chansons du siècle dernier, dans un bouge de Kreutzfeld ou de Coblence... Ma tête tourne aux fumées d'opium imaginaires, mon corps roule sous les doigts du temps et sa robe d'usure... J'aimerais savoir qu'au-delà de cette vie il y a d'autres vies, pas simplement la vie éternelle des atomes suspendus mais des histoires à tramer, des chants à reprendre dans la gorge d'un mainate nouvellement incarné. Pourquoi au juste. Parce que je suis vexée de la limitation qu'impose le fait brut, râpeux, vaguement obscène de n'avoir à sa disposition qu'une seule vie pour s'essayer à aimer le monde ? Parce que mon esprit limité ne parvient pas à concevoir cette fin du possible qu'est la mort ? Parce qu'en suis restée, enfant toujours, à l'histoire du soir qu'il suffit de réclamer pour entendre, chaque jour de nouveaux chemins, de nouvelles incarnations, Tintin ou les cinq jeunes filles en bateau...
J'ai beaucoup repensé hier à La Nuit des Temps de Barjavel, ce livre beaucoup trop lu, beaucoup trop appris à un âge où ma mémoire était encore bien habile et prenait le mot écrit pour or pur... Elea brisant de son innocence le cœur du narrateur, qui lui apportant le meilleur de notre monde s'entend répondre : " vous mangez de l'herbe... vous mangez de l'arbre..." ; et l'amour dès lors fut entendu comme donner à quelqu'un qui n'en veut pas quelque chose que l'on n'a pas. Acte fou quoique répété jusqu'à ce que l'éternité s'en choque. Et nous mangeons de l'herbe et mangeons de l'arbre car nous sommes nous-mêmes bêtes et arbres et herbe tondue, notre chair a le goût du grès rouge et du sarment... Il y a d'autres amours que les amours ratées et d'autres destins que ceux qui tiennent en cent-dix pages clôturées par le mot FIN. Je prends ma plume et je sauve ma peau comme l'enfant martyr qui cousait pour ses frères ensorcelés des manteaux en laine d'orties. Je t'embrasse et je sauve ma peau car dans ce baiser que je donne quelque chose passe du trop d'amour et du trop de curiosité dont l'être s'étouffe à ne savoir qu'en faire : si je t'aime toi j'aime un peu moins l'éternité, et l'infini, et le moutonnement furieux des possibles dans leurs champs des Hautes Alpes.
Je peux décider chaque jour de vivre en pleine conscience de ce que cette vie qui m'est donnée a plus de réalité, plus de densité et plus de richesse que tout ce qu'il m'aura été donné de lire des œuvres humaines.
Je laisse Elea et Païkan dans leur silence de glace car je préfère à leur idylle imaginée la vérité tactile de ta joue que je croque là.
Il n'y a de bonne vie que celle qui s'invente d'un instant l'autre, et tant pis pour la peur, la peur que je mange et dont je me fais un habit, qui trempe l'eau dont je me lave, la bière avec laquelle nous trinquons, et la chaux blanche dont nous avons baigné nos murs. Peur, je t'adopte et désormais tu marcheras avec moi sans m'être hostile. Tu seras simplement là, chienne briarde à mon côté, ton regard de brave bête dissimulé par tes longs poils. Tu seras bonne et fidèle ; la chaleur de ton côté me rappellera qu'il n'y a de vie que celle que nous parcourons ensemble.

C'était un premier essai qui ne dérive guère des notes que vous pouvez lire ici, mais je me dis que cet outil pourrait m'aider à m'essayer à la fiction. A suivre.

1 commentaire:

pas